Grégoire de Nazianze : Lettre 6, à Basile de Césarée

Mercredi 11 novembre 2009 — Dernier ajout vendredi 9 avril 2010

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Ce courrier fait suite aux lettres 4 et 5. Il nous révèle les vrais sentiments de Grégoire qui, renonçant au badinage, vante les bienfaits de la vie monastique et regrette de ne pouvoir s’y livrer. Ces lignes concluent la dispute plaisante et chauvine entre Grégoire et son ami Basile.

orsque nous t’écrivions précédemment au sujet du séjour dans le Pont [1], nous plaisantions, nous ne parlions pas sérieusement ; mais ce que j’écris aujourd’hui est tout à fait sérieux.

2. Qui me mettra dans le même état qu’aux jours de jadis [2], dans lesquels je faisais mes délices de souffrir avec toi ? Car la souffrance volontaire [3] a plus de prix que le plaisir qui ne l’est pas. 3. Qui me donnera ces chants de psaumes, ces veilles, ces élans vers Dieu dans la prière et cette vie, pour ainsi dire, immatérielle et incorporelle ? Qui me donnera cette union de sentiments et d’âme avec des frères qui se divinisent et s’élèvent sous ta conduite ? 4. Qui me donnera cette émulation et cette ardeur pour la vertu, que nous avons confirmées par des règles et des lois [4] ? Qui me donnera ce zèle à étudier la parole divine et cette lumière que nous trouvions sous la direction de l’Esprit ? 5. Ou bien, pour ne parler que des choses secondaires et moins importantes, qui me rendra ces occupations journalières et ces travaux manuels ; ce bois à couper et ces pierres à casser ; ces arbres à planter et à arroser ; ce platane — un platane plus précieux que celui de Xerxès [5] —, sous lequel venait s’asseoir non pas un roi amolli, mais un moine contrit. 6. Ce platane, c’est moi qui l’ai planté, c’est Apollos — autrement dit, ton Excellence —, qui l’a arrosé, mais c’est Dieu qui l’a fait croître [6] pour notre honneur et pour qu’il reste chez vous un souvenir de nos travaux, un souvenir semblable à la verge fleurie d’Aaron, qui était conservée dans l’arche[cf. Nb 17, 8-10.]], ainsi que le dit l’Écriture et que nous le croyons.

7. Mais s’il est bien facile de former ces désirs, il ne l’est pas du tout de les réaliser ! Assiste-moi, du moins, inspire-moi la vertu, travaille avec moi et fais par tes prières que nous conservions ce que nous avons déjà gagné au lieu de le voir se dissiper peu à peu, comme une ombre au déclin du jour. 8. Car c’est toi que je respire plutôt que l’air, et ma seule vie c’est d’être avec toi, soit réellement, soit, quand tu es absent, par le souvenir.

Source :

D’après Grégoire de Nazianze, Poèmes et lettres, choisis et traduits avec introduction et notes par Paul Gallay, Emmanuel Vitte, éditeur, Lyon 1941, p. 171-172.

[1Voir la lettre 4 et 5.

[2Jb, 29, 2 (lxx).

[3Il faut comprendre le renoncement impliqué par la vie religieuse.

[4Basile et Grégoire composèrent un règle de vie monastique.

[5Allusion à un platane que le roi Xerxès fit recouvrir d’or à cause de sa beauté (Cf. Hérodote, Histoires, vii, 31).

[6Cf. 1 Co 3, 6.

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